La Plage de Chamonix voit le jour vers 1930, installée sur une vingtaine d'hectares tout près du Bois du Bouchet et de son lac, utilisant les ruines de l'ancien casino municipal du Bouchet (*1905 †1928).
Mais la Plage que j'ai connue est celle des années 60.
Du casino ne subsiste que le rez-de-chaussée, où sont stockés d'anciens meubles et accessoires. J'aime aller y fureter, bien que ce soit certainement interdit.
La belle construction basse du casino, blanche et stylée, a été remplacée par un haut batiment de bois sombre. Gravissant quelques marches, on y trouve, à droite, les vestiaires et les sanitaires, sous la surveillance de Madame Farini et de sa sœur je crois. On se change dans de petites cabines de bois, en assez grand nombre; quelques parois comportent de petits trous réalisés par des coquins, régulièrement rebouchés avec du mastic ! On place ses effets sur de grands cintres métalliques, intégrant un réceptacle à chaussures, que l'on nomme casinquelles; merci à Mme Claude Chevassus-D'Ham, qui s'en occupait alors, pour m'avoir aidé à retrouver ce nom qui à ma connaissance ne figure dans aucun dictionnaire ! On remet ensuite le cintre à la responsable, qui l'aligne avec d'autres sur de grands supports en attendant notre retour, et nous remet un bracelet portant le numéro correspondant (un bracelet en caoutchouc rouge, selon Claude).
A gauche des vestiaires se trouve le restaurant, devant lequel s'étend une vaste terrasse. Entre le bâtiment et le lac a été montée une petite paillote, qui sert de buvette et que l'on appelle le bar
.
A gauche du bâtiment, les enfants peuvent patauger dans un petit bassin circulaire, avec un jet d'eau au milieu. A sa droite, un peu plus loin vers le bois, se trouve un portique avec des agrès, ainsi qu'un toboggan et une échelle de bois suspendue horizontalement; seuls les meilleurs parviennent à faire la traversée
.
Le lac, alimenté par une source située dans le grand bain, comporte en son milieu une petite île carrée en pierre cimentée (ce fut auparavant une île de terre puis un ponton de bois surmonté d'un grand mât), sur laquelle on peut monter par une échelle métallique, lézarder et plonger. Le vrai plongeoir quant à lui se trouve près de l'entrée de la Plage, il est en bois et recouvert d'un épais tapis de corde anti-dérapant. A cet endroit, l'eau est plus profonde.
De l'autre côté du lac, dont on peut faire le tour par le bois où abondent dès septembre les myrtilles, s'étend une petite plage de sable gris. Nous restons le plus souvent du côté de l'entrée, nos serviettes allongées sur la pelouse.
La température du lac dépasse rarement les 20°C. Aussi la Plage n'est-elle ouverte que de début juin à fin septembre, pour les années les plus chaudes. Je me souviens m'être baigné dans une eau à moins de 14°C !
Dans les années 50 et 60, et jusqu'à sa fermeture définitive, la Plage est gérée par Gaston Schmidt, l'oncle de Maman, qui en a reçu la concession de la commune. Il se fait aider parfois, vers 1950, par son père Adolphe, puis par ses trois fils, lorsqu'ils sont à Chamonix. Alain est responsable du restaurant. Jean-Claude et Bob assurent par moments et en alternance la surveillance de la baignade, naviguant sur une grande barque de bois et équipés d'une corde et d'une bouée de sauvetage. Les normes de sécurité sont alors bien moins draconiennes qu'aujourd'hui !
Au début des années 60, le jeune Patrick Braconnay est chargé de faire le tour des clôtures pour repérer les personnes essayant d'entrer sans payer. Quand il détecte un fraudeur, il en informe mon oncle, qui fait alors le nécessaire !
Dès qu'il fait beau, je vais à la Plage à bicyclette avec Maman et Christine. Je suis très fier car nous entrons sans payer, saluant juste mon oncle quand il se trouve près de la guérite blanche et rouge servant de guichet. Nous garons nos vélos dans le soubassement de l'ancien casino, alors que ceux des autres doivent rester dehors. Nous adorons nous baigner, jouer aux agrès et plonger. Maman excelle en cet art, et elle a toujours de nombreux admirateurs ! Quand Papa arrive à se libérer (assez peu souvent), il nous arrive de déjeuner tous les quatre d'une salade prise à la buvette, et plus rarement au restaurant. Parfois, je vais avec Christine regarder la télévision dans le logement de mon oncle, situé au second étage. Nous ne manquerions pas un épisode des aventures de Rintintin !
Traditionnellement, un gros nuage vient masquer le soleil vers le milieu de l'après-midi. On appelle cela le nuage à Gaston
!
De 1967 à 1970, je vends des glaces à la buvette au moment du goûter, accompagné de plus grands
(d'une vingtaine d'années); il s'agit en 1968 d'un fils Frosio et d'un certain Christian, en 1969 de Bernard Garcia, en 1970 d'Yvon Choquer. Mon cousin Alain me rémunère avec un peu d'argent de poche. Ce n'est pas énorme mais cela me suffit, et j'acquiers ainsi un certain prestige auprès des copains ! Et encore davantage lorsque je peux accompagner mes cousins dans la barque de surveillance !
Des animations sont parfois organisées par des sponsors.
On se souvient particulièrement d'un concours de déguisements avec papier journal, dont le jury était composé de l'alpiniste Louis Lachenal, la championne de ski Lucienne Couttet-Schmith et les championnes de patinage artistique Jacqueline du Bief et Jacqueline Vaudecrane !
A la fin des années 60 est mise en place une animation pour les enfants (on ne parle pas encore de mini-club
), gérée par Jean-Yves Baisse. J'y vais assez souvent avec Christine et des copains, parmi lesquels Christophe Saudan et Bernard Weyrich.
Au début des années 60 se trouve à proximité de la Plage un petit parc animalier. Un de mes copains, âgé d'une dizaine d'années, en assure la publicité; il est déguisé en Davy Crockett, et porte un petit renard sur l'épaule.
On trouvera dans la galerie d'autres photos et plusieurs cartes postales de l'ancien Casino et de la Plage, des années 1900 à 1960, issues de ma collection ; le livre présenté plus haut comprend quant à lui de très nombreux autres renseignements et illustrations.